samedi 17 décembre 2011

Marilyn Monroe (I): Fragments.


  De la filmographie de Marilyn, je ne connais que quelques scènes , quelques photos de tournage, et, sur quatre films vus entièrement, je n'en ai revus que deux, les plus beaux sans doute: "The Misfits" et "Niagara", tandis que des deux autres ne subsistent encore que certaines scènes, une robe hallucinante ou était-ce une absence de robe?... un air fredonné et, surtout,le souvenir du cinéma de minuit et des heures  dérobées au sommeil sur le canapé du salon, en douce, rattrapées ensuite au fond des salles du lycée...
 Depuis sa parution, j'hésitais, incertaine... Coup de pub? Beau fétiche?
Un peu tout cela, sans doute, mais l'essentiel, outre la qualité du travail éditorial, la mise en valeur réussie de ce corpus inédit reste qu'à travers la possibilité de lire ces "Fragments", les éditeurs ont permis une rencontre: derrière les apparitions de l'actrice culte, omni-iconique, amusante et éminemment sexuelle se dessinait, dans un coin de l'image, comme une ombre portée, celle d'une femme hypersensible et douloureuse, pleine d'empathie -trop- et fragile, dépressive certainement. Certaines situations fictionnelles, médiatiques n'ont pas laissé place au doute. Est-ce là le secret du trouble délirant que suscite toujours cette actrice?... Marilyn n'a jamais su ne pas être entièrement là où on ( réalisateurs, compagnons, médias) l'exigeait d'elle ( cf: "Blonde", 800 pages, parfois languissantes,  où Joyce Carol Oates place dans la bouche de l'actrice toute sa difficulté à distancier) et pourtant en lisant ses textes elle apparaît, dans une grande solitude, en constant effort, luttant dans l'écart éprouvé avec sa persona de star. Véritable "work in progress" , quand il s'agit de devenir une autre femme, une autre actrice, plus assurée, plus performante, "meilleure"...
Car c'est - plusieurs mois après la lecture de ces textes, disparue l'émotion devant ces traces d'un moi intime - ce que j'ai retenu, gardé, précieusement: que cette femme planétairement adulée ait connu à ce point de douleur cette difficulté à vivre qui nous assaille tous un jour, et qu'elle ait consacré tant de son énergie,de son temps à une exigence profonde d'amélioration, de confrontation à ses doutes et ses désirs... Respect Marilyn, respect.
 
27 Août:
Je suis inquiète, nerveuse,
déconcentrée, instable-il y a quelques minutes, j'ai failli jeter une assiette en argent- dans un endroit sombre du plateau- mais je savais que je ne pouvais pas me permettre de lâcher je sentais vraiment en fait que je n'oserais pas le faire car je ne m'en tiendrais peut-être pas là. Juste avant, j'ai failli vomir tout mon déjeuner. Je suis fatiguée. Je cherche une façon de jouer ce rôle, ma vie entière me déprime depuis toujours- Comment puis-je incarner une fille aussi gaie, juvénile et pleine d'espoirs- Je me sers de ce dimanche de mes quatorze ans où j'étais tout cela mais - pourquoi ne puis-je m'en servir de façon plus ferme ma concentration vacille presque sans arrêt- quelque chose s'emballe en moi dans la direction opposée vers la plupart des jours dont je peux me souvenir. Je dois essayer de travailler et travailler encore sur ma concentration - en commençant peut-être par le plus simple.

Fragments: poèmes, écrits intimes, lettres, Marilyn Monroe, Seuil, Octobre 2010, Paris.

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